« Quotidien », les journaux se suivent et se ressemblent

Capture d'écran TF1.fr

Le marketing et les teasers estivaux ont fonctionné à plein régime et à merveille, dès le matin, la toile s’était largement fait l’écho du retour à l’antenne de Yann Barthès et de son « nouveau » programme sur TMC/TF1 sobrement intitulé Quotidien. Au point d’être toujours en tête des sujets tendances de Twitter vers 21 h 00 le lundi 12 septembre 2016.

Quotidien donc, le nouveau vaisseau amiral de Yann Barthès et son équipe historique Martin Weil, Eric (Metzger) et Quentin (Margot) qui au passage se font de plus en plus un nom dans le PAF, Valentine Oberti et Vincent Dedienne (transfuges du Supplément), Panayotis Pascot, Hugo Clément… Difficile d’apprécier ce que sera et fera le programme sur la durée à l’aune de la première, mais le moins que l’on puisse dire sans enfoncer trop de portes ouvertes, c’est que la formule fonctionne toujours aussi bien, pour peu que l’on soit réceptif à l’humour potache qui côtoie les sujets plus journalistiques.

Alors oui, on sent l’émotion, le patinage dans la semoule bien compréhensible et les ratés aux effets exagérés, la machinerie est en rodage, mais n’en déplaise à Nadine Morano le postulat s’impose de lui-même : l’émission est nécessaire. Pour preuve le sujet sur la « bien-pensance » dont Nicolas Sarkozy rebat les oreilles de ses auditoires successifs conquis d’avance. Avec la démonstration (si besoin était) que la com’ pol’ a remplacé les idées lorsque Jean-Pierre Raffarin donne sa conception de la bien-pensance : « c’est souvent une stratégie de clivage, on désigne des adversaires pour cliver, mais ça mobilise et ça immobilise aussi, le rassemblement, c’est l’opposé (…) ».

Capture d'écran TF1.fr
Capture d’écran TF1.fr

Jamais aussi bon que lorsqu’il pourfend les politiques et pointe leurs postures, Yann Barthès est parfaitement à l’aise dans son rôle d’anchorman d’un concept qu’il maîtrise de bout en bout. Si la longueur du programme (1h20, coupures publicitaires obligent) peut laisser craindre des ruptures de rythme de l’émission, force est de constater que tous les ingrédients qui ont fait le succès de feu Le Petit Journal de Canal+ — à Diacritik, on a décidé de ne pas parler du Eldin Show (qui reçoit Florian Philippot le lendemain de la première de Quotidien) — sont de retour : reportages, pastilles humoristiques, musique (horrible live de La Femme soit dit en passant) et une impertinence de ton trop rare à la télévision en 2016.

Car ce qui nous a été donné à voir hier soir sur TMC/TF1 est par ailleurs édifiant quand est montrée la morgue d’un Brice Hortefeux qui ne se prive même pas de mettre en cause les journalistes, quand Nadine Morano parle de manipulation et d’émission « merdique » avec une tolérance qui n’appartient qu’à elle ou lorsque Nicolas Sarkozy utilise les mêmes armes que Marine Le Pen lorsqu’il est interrogé par un reporter : le silence et le mépris. Et les images se suffisent à elles-mêmes.

Capture d'écran TF1.fr
Capture d’écran TF1.fr

Tout l’intérêt de Quotidien réside dans ces non-dits. Dans ce que cela montre de notre époque, de la société, du langage et des mots des politiques qui doivent être analysés, décryptés (sans jeu de mot). Et le sujet n’est pas l’émission en soi, de savoir si elle sera plus indépendante ou non sur une chaîne « commerciale » (Canal+, même avant la mainmise de Vincent Bolloré, est tout aussi mercantile), de se demander si Quotidien fera mieux ou moins bien que Bienvenue à l’Hôtel, à Touche Pas à Mon Poste, aux Grand, Gros, Petit journaux en termes d’audience… Et tant pis si Quotidien a un air de déjà-vu. Le comble et le danger auraient été qu’il ne se ressemble pas.