Quentin Pradalier : Des espaces de nos solitudes par Swan Gautier

© Quentin Pradalier (détail de la photographie)

« La maison est notre coin du monde. Elle est notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos. Les écrivains de l’humble logis n’évoquent pas souvent cet élément de la poétique de l’espace. Ils caractérisent l’humble logis en son actualité, sans en vivre vraiment la primitivité, une primitivité qui appartient à tous, riches ou pauvres, s’ils acceptent de rêver ».

© Quentin Pradalier

Quentin à accepté de rêver.

A la différence du logis dont parle Henri Bachelor, celui que Quentin transforme ne lui appartient pas. Son cosmos à lui, son coin du monde, ce sont des espaces qui n’appartiennent plus à personne. C’est cette maison de retraite désaffectée dans laquelle il va rêver éveillé des jours durant, ce sont ces chambres, ces couloirs, ces salles de bains qu’il a habités le temps de leur inventer d’autres histoires.

Les photos de « Espaces sauvages » chaque fois me surprennent, comme avec malice, elles étonnent mon regard et trouble ma certitude. Pensais-je les connaitre ?

Sans doute autant que lorsque l’on entre dans une maison inconnue avec l’étrange sentiment d’avoir déjà tourné cette poignée-ci, précisément celle-ci faite de ce bois et qui tourne avec ce cliquetis-là. On passe cette porte pour la première fois.

Une pièce avec ses meubles et son immobilité.

Petite secousse. Quelque chose bouge. Une enfance un peu oubliée s’agite, les mains et les genoux pleins de terre, elle contemple l’imaginaire qui court sous nos yeux, dans nos yeux.

Le paysage de la maison se transforme.

Terrain de jeu

Des gribouilles attaquent les murs, un monstre d’angle tire la langue, une grotte frissonne sous l’évier, des sommets aiguisés transpercent le plancher, un labyrinthe s’égare sur un mur…

Je regarde les photographies de Quentin comme un vieux rêve, presque un cauchemar, mêlé de souvenirs qui griffent le papier et raniment ses inventions.

Il révèle ces espaces de nos solitudes, calfeutrées dans la chambre ou la salle de bain, vécues dans un grenier, ces espaces sont à jamais gravés en nous et sans doute ineffaçables parce que constitutifs de notre être. Même lorsque ces espaces sont à jamais rayés du présent, étrangers désormais à toutes les promesses d’avenir, ils restent que nous les avons habités et que nous les avons aimés. Ils nous reviennent en rêve la nuit et à travers le sommeil nous nous glissons à nouveau dans ce grenier tant de fois visité.

Quentin nous plonge dans une rêverie éveillé au cœur de ces souvenirs, étroits et resserrés, et ce sont alors des expériences réconfortantes que de les étendre, de les rendre infinis en les possédant à nouveau par l’imaginaire.

© Quentin Pradalier

Swan Gautier est performeuse et plasticienne.
Le site de Quentin Pradalier