Prince : « Until a man truly dies »

Prince © Arnaud Rakoon

Dearly beloved
We are gathered here today
To get through this thing called life*

La mort d’un artiste a toujours un effet miroir égoïste un peu étrange. Le monde pleure Prince aujourd’hui. Quelques heures après l’annonce de sa mort, on fredonne, on réécoute Kiss, Cream, Purple rain, Alphabet Street, Raspberry Beret, Girls and Boys… On repense à ce que l’on faisait à ce moment-là. On se souvient et l’on se dit que l’on a perdu quelque chose, qu’un peu de notre propre vie part avec lui.

Parce qu’il a été une icône glamour et rock, parce qu’il a inventé (au sens strict du terme) tout au long de sa carrière, Prince est entré de son vivant dans le Panthéon des artistes du siècle qui l’a vu naître. Et au-delà. A l’instar de Michael Jackson, son double angélique – création médiatique dans la grande tradition des rivalités créées de toutes pièces pour opposer des artistes hors normes –, Prince a marqué plusieurs décennies de son empreinte musicale et stylistique. Celui que les journaux nomment ce soir le « prince de la pop », avec une référence appuyée au roi défunt (Michael Jackson toujours) est né Prince Roger Nelson en 1958 à Minneapolis.

Musicien surdoué, parolier, compositeur, danseur, acteur, Prince a à peine 25 ans quand il voit sa carrière décoller au début des années 80. Puisant d’abord dans le rythm and blues, puis dans la mouvance funk, Prince montre déjà sa capacité à être un artiste accompli, qui agrège des influences pour mieux les dépasser : rock, pop, new wave, jazz… La liste ne sera jamais exhaustive.

PrinceHitnrunPrince réalise cinq albums entre 1978 et 1982, fort de ventes sans cesse croissantes (1999 se vend en sept mois à un million d’exemplaires) et d’un succès entouré de soufre – ses textes volontiers pornographiques et provocateurs font qu’il est détesté par une bonne part de l’Amérique de Ronald Reagan –, le Kid de Minneapolis a alors l’idée d’écrire un film à la dimension autobiographique. Le projet est d’abord rejeté par Warner mais le long métrage verra finalement le jour, avec une chanson titre récompensée d’un Oscar. Ce sera Purple Rain et le début de la légende.

La liste des hits, tubes et succès de Prince est longue, il laisse une production pléthorique (plus de 500 chansons) et aucun titre ne se ressemble : les influences, les références s’appellent James Brown, Stevie Wonder, Little Richard, Jimi Hendrix mais aussi David Bowie, les Beatles ou Joni Mitchell. La personne elle-même est protéiforme : Prince change de nom plusieurs fois, de Jamie Starr à « The Artist », en passant par « Love Symbol » de 1993 à 1999, période pendant laquelle il ne se définit plus que par un pictogramme énigmatique (et imprononçable).

Il laisse une œuvre incroyable, faite d’innovation, d’explorations et de don de soi. Il a écrit et composé pour les Bangles, Sheena Easton, Chaka Khan, Patti LaBelle, Madonna, Sheila E., Maceo Parker, Stevie Wonder, Kid Creole, Sinnead O’ Connor… Ses concerts sont l’occasion de longues et grandes communions avec son public. La semaine dernière encore, il donnait un show de deux heures, s’accompagnant uniquement au piano (lui qui maîtrise plus d’une vingtaine d’instruments).

Paradoxal et insaisissable, à la fois discret et exubérant, sur scène comme dans ses engagements politiques ou sociaux (« The big disease with the little name » de Sign O’ The times), cultivant le mystère et une immense passion pour la musique sous toutes ses formes, Prince aura été cet artiste total, l’être s’effaçant derrière l’art, un génie dont la personnalité se fondait dans la musique. Jusqu’à se confondre avec elle. A jamais.

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*Let’s go crazy : Chers bien aimés,
Nous sommes réunis ici aujourd’hui
Pour endurer cette chose appelée la vie