Le journal d’un cinéphile (5)

On avait laissé Jérémy Sibony un peu énervé par le palmarès des César. Revoici son journal, notes d’un cinéphile parfois émerveillé, parfois énervé par les films vus. Mais pas seulement.

couverturev218 mars

Emir Kusturica est une femme, elle s’appelle Léa Fehner. Les Ogres, film indispensable, preuve que le cinéma français peut-être grandiose. Audiard, Cantet, Kechiche et quelques autres dont Fehner : notre cinéma d’auteur ne se limite pas à Godard, Garrel, Guiraudie, Bonnel et autres cinéastes morts. Lire ici l’article consacré aux Ogres. À part ça, la vieille dame à laquelle j’ai tenu la porte du cinéma et qui m’a regardé, m’a remercié d’un « Merci beaucoup mademoiselle ».

24 mars

« La technique, ce n’est pas être capable de faire 1000 jongles. Tout le monde peut le faire avec de l’entrainement. Cela peut te servir à travailler dans un cirque. La technique, c’est passer le ballon en une touche, à la bonne vitesse et sur le bon pied de son coéquipier. » Johan Cruyff (maître hollandais, deuxième moitié du XXe siècle, prétendu mort au début du XXIe).

25 mars

Déjà que je vais rarement au cinéma ces derniers temps (bon d’accord, selon mes critères…), mais alors, quel manque de flair : Batman vs Superman qui est encore pire que ce que vous pouvez imaginer (et pourtant, on sait c’est Zack Snyder qui réalise, c’est dire si on n’en attend rien).

Mais aussi le niais Rosalie Blum avec une Noémie Lvovsky parfaitement insupportable du début à la fin…

Ce n’est pas le gentillet Médecin de campagne qui sauvera la journée : sans scénario ni mise en scène, mais heureusement sauvé par l’excellent duo Cluzet/Denicourt (mais bon, autant revoir La Maladie de Sachs de Michel Deville). Et je me suis débrouillé pour rater le Egoyan. C’est moche de vieillir.
19286228 mars

Toujours le même problème avec Atom Egoyan. Celui qui fut le grand amour des critiques dans les années 90 est maintenant catalogué par la plupart d’entre eux « décevant ». Ce n’est pas nécessairement faux.

Atom Egoyan a enchainé trois monstres : The Adjuster, Exotica et De Beaux Lendemains (privé de la palme d’or en 97 par l’autisme d’Isabelle Adjani et la conception très particulière de la démocratie de Nanni Moretti, membre dissident du Jury). Depuis, on attend d’Egoyan qu’il retrouve la même grâce. Parfois au mépris de films qui méritent pourtant le détour (Captives, Ararat, Le Voyage de Felicia), parfois affligés par la chute de l’ex-idole (La vérité nue, Chloé, Adoration).

417542Remember est un film assez curieux. Clairement pas un chef d’œuvre, pourtant assez entêtant. Le genre de film que l’on voudrait revoir alors que les défauts sont pourtant évidents. Progrès ? Depuis presque 20 ans, je sors de tous les films d’Atom Egoyan, aimés ou pas, avec l’envie de revoir De Beaux Lendemains (que l’on devrait montrer à tous les apprentis scénaristes, particulièrement en France), Après Remember, j’avais juste envie de revoir ce film. Sans savoir s’il m’avait plu ou pas… Un progrès ? Atom Egoyan reste un cinéaste mystérieux.

1er avril

546859Avec Sunset Song, Terence Davies retrouve (un peu) la grâce qui habitait Distant Voices et The Long Day Closes. Si le cinéaste ne s’est jamais vraiment perdu depuis — cf. son magnifique documentaire sur Liverpool : Of Time and the City —, il renoue avec son style : une chronique du passage à la maturité, des images superbes, une écriture épurée, une certaine théâtralité et bien sûr l’importance de la musique et des chansons qui font avancer le récit autant que les dialogues. Cette chronique féministe — autre thème central de Terence Davies : des femmes fortes qui veulent prendre le contrôle de leur vie dans un milieu machiste — prend comme arrière plan la campagne écossaise du début du XXe siècle. La vie est rude, les êtres perdus dans de grands paysages, alors que des années de misère et d’injustices laissent place au rêve socialiste et à la guerre… Le grand retour d’un des cinéastes anglais les plus singuliers…

2 avril335908.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxFive : énième tentative de « films de potes ». Suite de sketchs très rarement drôles, un seul acteur qui se démène comme il peut : Pierre Niney. Aucun intérêt. Quand on a 17 ans : on pouvait espérer un peu mieux de la rencontre entre Sciamma et Téchiné. Peut-être des univers trop proches ? Reste qu’un Téchiné moyen, c’est toujours un bon film, un peu raté dans sa dernière partie (Téchiné est ici bien plus inspiré par les paysages neigeux). Sans surprise mais bien joué, bien écrit et comme toujours bien réalisé. Mais bon, vous êtes des gens bien, vous irez plutôt voir Les Ogres ou Sunset Song, puisque que vous avez déjà vu The Revenant.

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