L’abécédaire de Carole Zalberg

Hénia Zalberg © courtesy Carole Zalberg

Carole Zalberg est romancière, parolière, auteur de romans pour la jeunesse (Je suis un arbre, J’aime pas dire bonjour, Le Jour où Lania est partie). Elle est notamment l’auteur d’une « Trilogie des Tombeaux », A défaut d’Amérique, L’Illégitime et Feu pour feu. Elle a récemment publié A la trace et Chez eux vient de sortir en poche chez Babel. Elle nous livre ici son abécédaire.

A comme Argentine, un pays où je ne suis jamais allée mais qui, à travers Cortazar et mon éveil politique adolescent, s’est ancré en moi comme l’un de mes lieux.

B comme Belle du seigneur, d’Albert Cohen, le livre transformiste : j’en ai eu une lecture différente à chaque âge.

C comme  Carson McCullers et sa Frankie Addams, le plus beau et plus juste personnage d’adolescent jamais rencontré en littérature. Des pages incandescentes sur le besoin d’appartenir.

D comme Demain, le documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent qu’on devrait montrer dans toutes les écoles, sur toutes les places publiques, partout dans le monde.

E comme Elles, les femmes et leur éternel combat.

F comme Frédérique, ma dousoeur, avec qui je parle depuis 42 ans, que nous soyons ensemble ou non.

G comme Guerre. Ses échos, ses traces, infusent tous mes romans ou presque.

H comme Hénia, ma mère. Mon geste d’écriture contient son geste de peintre tant observé dans l’enfance.

Hénia Zalberg © courtesy Carole Zalberg

I comme Inarritu, celui des débuts, d’Amours chiennes, 21 grammes ou Babel.

J comme Justesse des voix, des choix, du ton et des sons, mon unique critère d’auto-évaluation littéraire.

K comme Kyrn magazine, news insulaire aujourd’hui disparu où, toute jeune journaliste,  j’ai pu approcher le cœur palpitant de la Corse, ma terre d’élection.

L comme « Là où tu n’es pas », titre d’une chanson écrite pour Berthier et dont nous ne retrouvons hélas aucun enregistrement.

Pour me chasser de toi
te perdre à la trace
effacer ta voix
que ta chair de glace
ne me cherche pas

je pars tout bas
Pour m’échapper de toi
me défaire, la belle,
de tes charmes froids
m’en aller, rebelle
te mettre hors ma loi

je pars tout bas
je pars tout bas

A portée de désert
à bord des terres
sur la mer comme au ciel
j’irai où tu n’es pas

Pour m’évader de toi
passer ta muraille
vider tes lieux froids
et loin de tes rails
foncer droit sur moi

je pars tout bas
je pars tout bas

A portée de désert
à bord des terres
sur la mer comme au ciel
j’irai où tu n’es pas

Pour semer derrière moi
tes promesses en l’air
là où tu n’es pas

M comme Le Mystère Picasso, d’Henri-Georges Clouzot, le film qui réussit le miracle de saisir la création et ses élans parfois contraires.

N comme Nick Drake. Sa musique est la définition même de la grâce et du don.

O comme « On dirait que chaque jour tu vis un nouvel amour. » Un ami m’a dit cela un jour et ça a été une révélation. Je crois qu’il avait raison ou qu’en tout cas c’est ce que j’espère quand j’ouvre les yeux le matin : que le monde m’offre encore de quoi aimer.

P comme Piers Faccini et sa dentelle d’atmosphères et de mots.

Q comme questionner, toujours, ses certitudes, celles des autres, le réel et ses représentations, ses choix.

R comme rature, le burin de l’écrivain.

S comme saccage, pour la beauté du mot et sa force d’évocation.

T comme tribu, ma chère tribu de beaux garçons, à laquelle appartient aussi le chat Pepper

U comme un, celui que l’on forme avec l’aimé.

V comme voix, ma quête.

W comme Wagon à bestiaux transportant des hommes, image insoutenable et fondatrice.

X, l’inconnue qu’on cherche à mettre au jour en écrivant.

Y comme Yeux noirs (Les), groupe tzigane yiddish que j’écoute avec le ventre.

Z comme Zalberg, le nom de mon père, réinvesti quand j’ai commencé à publier, pour le remercier et parce que mon nom d’épouse ne disait rien de moi en dehors du présent, rien de la trajectoire des miens