Wim Wenders : Time Capsules (Berlin)

Wim Wenders, Times Capsules (capture d'écran du site de l'artiste)

La galerie Blain Southtern de Berlin présente, jusqu’au 14 novembre 2015, des photographies récentes de Wim Wenders. Le titre de l’expo « Time Capsules. By the side of the road » souligne le lien de la photographie et de la mémoire, du lieu (Allemagne, Amérique) et du temps. Wenders se présente lui-même comme un « interprète, un traducteur, un gardien des histoires que les lieux (lui) racontent » (« I see myself as an interpreter, as a translator, a guardian […] of stories that places tell me« ). Le titre de l’exposition unit aussi les disques durs externes d’Apple (les ‘time capsules’) et les routes — si présentes dans son cinéma (Alice dans les villes (Alice in den Städten, 1974) ou Paris, Texas (1984) —, qu’elles soient construites par l’homme ou des espaces naturels portant trace de son activité, rendus artificiels en somme, comme les fleuves :

Les deux lieux au centre de ce travail sont donc l’Allemagne et l’Amérique (USA et Canada), dans lesquels Wim Wenders a vécu et tourné. L’exposition est conçue comme un ensemble de croisements : espaces urbains et espaces naturels, photographie, peinture et cinéma — dont celui de Wenders. En témoigne la photographie ci-dessus, L’Elbe près de Dömitz, qui renvoie à deux de ses films, Im Lauf der Zeit (Au fil du temps, 1976) — titre qui aurait pu être celui de l’exposition d’ailleurs. L’Elbe près de Dömitz est un lieu en apparence banal qui dit pourtant l’histoire de l’Allemagne puisque ce fleuve marqua la frontière entre la RFA et la RDA. Le lieu rassemble histoire intime et collective, représentation picturale et cinématographique, il est pleinement « capsule temporelle », tissé de récits.

Parmi les photographies présentées, les grues de la Postdamer Platz à Berlin pourraient former un diptyque avec le Roller Coaster de Montréal, le mouvement conservé dans un moment pourtant arrêté, en creux l’activité humaine (la reconstruction de Berlin, immense chantier depuis des années ; le divertissement et les cris sur le manège canadien, pourtant vidé de toute présence humaine). Le paysage, pour Wenders, est comme l’écran vide du drive-in de Montréal, une toile blanche, récit en creux d’une histoire advenue et d’une autre histoire, à venir. Chaque photographie est un instant figé dans cet entre-deux. Dans une interview pour The Economist, Wim Wenders dit refuser l’étiquette de « landscape photographer« , photographe de paysage, « Ich bin kein Landschaftsfotograf« , retrouve-t-on dans le Berliner Morgenpost, soulignant son intérêt pour les gens, pour la civilisation, les traces que l’homme laisse dans les paysages et les villes. Mais il ne photographie ces lieux qu’une fois le cadre vidé de toute présence humaine, pour que l’image puisse exprimer l’absence et le passage des hommes dans cet espace, raconter cette histoire : « I am interested in our civilisation. I am interested in what traces we leave in landscapes, in cities and places‘. (« Mich interessieren die Spuren, die Menschen in Landschaften hinterlassen haben, was Landschaften über uns Menschen erzählen« ).

Galerie Blain, Potsdamer Straße 77–87, 10785 Berlin, ouverte du mardi au samedi, de 11 à 18 heures. Quelques images sur le site de Wim Wenders